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La mort fait bander les flics

Quelques réflexions philosophiques sur les images révélées par Mediapart concernant la manifestation de Sainte Soline.

Pour qui s’intéresse un minimum à l’histoire de l’institution policière en France, le images révélées par Mediapart n’ont rien de surprenant : la violence est au cœur de la Police, elle est définitionnelle d’une institution conçue, à la fois comme service public, mais également comme appareil répressif d’Etat. Il s’agit bien de faire la guerre à celles et ceux qui osent remettre en cause l’ordre capitaliste des choses. Rien d’étonnant donc à voir des images de guerre, où les lanceurs de gaz à faire pleurer sont détournés en arme à exploser les corps. On peut toujours maintenir l’ordre de manière moins guerrière, il faudra tôt ou tard blesser l’adversaire, en supplicier quelques uns pour l’exemple, voir l’éliminer radicalement et massivement (La Commune) quand la révolte dépasse le seuil du symbole.

Pourtant même les plus averti-es d’entre nous ne peuvent échapper à un sentiment de sidération et d’effroi en voyant ces images , parce c’est le spectacle du fascisme que nous avons sous les yeux, et que nous sommes plus habitué-es , ces temps-ci, à le voir sous son apparence cravatée et respectable que sous cette apparence là. Bardella n’a pas encore brandi son revolver à l’assemblée nationale en criant « vive la mort !», mais c’est bien ce que font les gendarmes de Sainte Soline.

Ce que nous avons sous les yeux, c’est la réalité cachée, inavouable de la Police : des hommes qui jouissent profondément à l’idée de tuer, mutiler, éborgner un adversaire rabaissé, haï, insulté. Celui qui focalise la haine est exclu de l’humanité, ce qui bloque toute empathie et autorise le meurtre ; à cette mécanique, s’ajoutent la jouissance, une dimension libidinale évidente : tuer fait bander.

La sexualité n’est pas réservée à la chambre à coucher, c’est ce qu’affirment Deleuze et Guattari dans l’Anti-Oedipe (1973) :
« En vérité, la sexualité est partout : dans la manière dont un bureaucrate caresse ses dossiers, dont un juge rend la justice, dont un homme d’affaires fait couler l’argent, dont la bourgeoisie encule le prolétariat, etc. Et il n’y a point besoin de passer par des métaphores, pas plus que la libido, de passer par des métamorphoses. Hitler faisait bander les fascistes. Les drapeaux, les nations, les armées, les banques font bander beaucoup de gens. »

Nos gendarmes de Sainte Soline ne sont pas des chômeurs déguisés qui font ce qu’on leur commande en attendant la paye de fin du mois. Ils investissent sexuellement une activité mortifère.

Nous qui n’investissons pas notre libido dans la mort, mais dans l’égalité, la liberté, l’entraide, la création, sommes proprement sidéré-es. L’Histoire a pu montrer qu’il est parfois nécessaire d’affronter le fascisme, d’affronter ce qui sidère et dégoûte. Toute la question est de savoir s’il était nécessaire d’y aller cette fois là.

JC