C’est le même ADN, celui de l’extrême droite !
C’était il y a 84 ans : l’extrême droite arrivait au pouvoir en France sous l’aspect débonnaire et respectable d’un vieil homme, le Maréchal Pétain. Applaudi, aimé de tous .tes, couvert de médailles militaires, il allait « redresser » la France. Aujourd’hui c’est le même schéma : à la place du vieillard respectable, on a droit à un beau gosse au sourire parfait, liké par des millions d’internautes, et qui promet d’être la solution à nos problèmes. Quel rapport avec les affreux sbires repoussants du fascisme, les éructations et les crimes d’un Hitler, ou d’un Mussolini ? C’est parce qu’ils ne voient pas le rapport que certain-es s’apprêtent à voter pour le RN, c’est parce que le spectacle et la communication l’emportent sur l’analyse et la mémoire que l’extrême-droite est aussi près du pouvoir. Le bilan de ce brave Maréchal Pétain ? 76 000 personnes juives déporté-es et assassiné-es, sans compter les résistant-es « terroristes » arrêté-es, torturé-es et assassiné-es. Quel sera le bilan de Bardella/Le Pen ? Le bouc-émissaire n’est plus le même, certes. La percée de l’extrême droite est une longue conséquence d’ un changement de bouc émissaire opéré depuis 50 ans. Le bouc émissaire juif, désigné par les extrêmes droites européennes de la fin du XIXe siècle, n’est plus la cible officielle, quoique l’antisémitisme de fond persiste. Il a laissé place aux migrant·es d’Afrique et du Moyen Orient, et plus globalement aux personnes racisées dans leur ensemble, plus particulièrement les personnes de confession musulmane.
L’ADN de l’extrême droite lui est toujours le même, quelles que soient les mises en scènes ou les portes paroles désigné-es . Cet ADN est composé de trois brins : identité/inégalité/violence.
La passion triste de l’identité renvoie à l’idée que la société serait gangrenée par un corps étranger qu’il faut expulser sous peine de mort : juifs, francs maçons, protestants, étrangers, musulmans, au choix, selon les époques« l’anti-France » disait Maurras dans les années 1930. La panique conspirationniste autour du « Grand remplacement » , les nazis l’orchestraient sous un autre nom : le Umvolkung en langue nazie ( « changement racial ») est évoquée dans le chapitre « peuple et race » de Mein Kampf. La pratique de la déportation est rebaptisée « remigration » ( quand à l’ennemi politique de l’intérieur, il s’appelle désormais « islamo-gauchiste » et « éco-terroriste », dignes descendants du « judéo-bolchévique »).
La passion de l’inégalité, elle, fonde l’ idéal d’une société où la domination règne dans tous les domaines, principe d’organisation de la société comme de la sphère privée, qui se traduit par une haine de toute démocratie directe, un renforcement des hiérarchies, un règne sans partage du capitalisme, un sexisme plus ou moins avoué. Quand à la violence, elle est nécessaire pour protéger la nation, la purifier et l’expurger de ce qui la gangrène, mais aussi une valeur viriliste à part entière, ce par quoi « l’homme véritable » est censé se forger, au détriment de la coopération, de l’entraide, de la recherche du consensus.
Nos passions à nous sont à l’exact opposé : liberté, épanouissement individuel, égalité dans tous les domaines, paix, entraide et solidarité, quelles que soient la provenance des gens, leur sexe, leur genre, la couleur de leur peau. Toustes celles et ceux qui sont animé-es par ces valeurs doivent aujourd’hui les faire vivre, sans attendre que l’Histoire, une nouvelle fois, après le décompte des morts, leur donne raison.
Nous n’avons pas de boule de cristal, mais il se pourrait bien que le fascisme du XXIème siècle, dans un premier temps seulement peut-être, ait une allure moins révolutionnaire, moins spectaculaire, que celui du XXème siècle : des hommes d’Etat, qui ressemblent à d’autres hommes d’Etat, avec leur costume et leur cravate, mais qui aggraveront certaines logiques déjà mises en place par les Etats en régime capitaliste : gestions des inégalités et du désastre écologique, chasse aux migrant-es, en plus de mesures typiquement réactionnaires et « anti-modernes » (transphobie, sexisme, homophobie, racisme explicite).
On peut voir dans l’extrême-droite, enfin, une dérive d’un système qui en contient le germe : une société qui a pris l’habitude d’être pilotée par le haut, gouvernée verticalement par la machine de l »Etat-Nation, se replie forcément sur une solution autoritaire/identitaire quand les choses vont mal, quand l’ordre établi paupérise les masses et est menacé par des poussées révolutionnaires, comme ce fut le cas au XX ème siècle, ou quand il est dans une impasse sociale, écologique et politique, comme c’est le cas aujourd’hui. Installé-es confortablement dans l’illusion de contrôler l’Etat par le biais des élections, nous ne faisons qu’alimenter par le vote cette logique infernale. Le Front populaire victorieux en 1936 ne nous a pas épargné Pétain.
Nous, anarchistes, sommes déterminés à prendre notre part et à engager toutes nos forces dans cette lutte contre le danger mortel de l’extrême droite.
Jérôme Ceccaldi pour AlpAnar